Ressources - La Flûte enchantée

Présentation

L’ultime opéra de Mozart n’a pas été présenté à Rennes depuis 1999 ! 25 ans plus tard, aux côtés du Chœur de chambre Mélisme(s), une très prometteuse distribution s’empare de ce conte merveilleux, portée par le chef d’orchestre Nicolas Ellis et le metteur en scène Mathieu Bauer. Un événement.

Dans son opéra testament et féérique, Mozart joue des contrastes et des oppositions entre la nuit et la lumière, autant qu’il met en musique le parcours initiatique vers la sagesse et le sacré d’un couple d’amoureux. Mais La Flûte enchantée appartient à la culture populaire. Ses airs, parmi les plus célèbres du répertoire, conduisent les spectatrices et spectateurs dans les aventures de deux couples Pamina/Tamino et Papageno/Papagena armés leurs instruments magiques.  

Un spectacle d’autant plus attendu qu’il est dirigé, à l’Opéra de Rennes mais aussi en tournée à Nantes et Angers, par le nouveau directeur musical de l’Orchestre National de Bretagne Nicolas Ellis.

Pour partager ce rendez-vous avec de nombreux habitants et habitantes de Bretagne, cette production donnera lieu à une nouvelle édition d’Opéra sur écran(s) ! 

Wolfgang Amadeus Mozart, le compositeur

Contenus

Wolfgang Amadeus Mozart est né à Salzbourg en 1756, dans une famille de musiciens. Son père, Léopold Mozart, était un compositeur renommé et vice-maître de chapelle du prince-archevêque de Salzbourg. Léopold détecte très tôt les talents exceptionnels de son fils et l'encourage à développer ses dons musicaux. Dès l'âge de six ans, il l'emmène en tournée en Europe avec sa sœur Nannerl, également musicienne. C’est un grand succès, le jeune Mozart se produit devant des souverains, de l'impératrice Marie-Thérèse à Vienne jusqu'au roi George III à Londres, suscitant admiration et émerveillement. Ils rencontrent des figures influentes de l’époque, comme Johann Schobert à Paris et Johann Christian Bach à Londres. Ces grands artistes partagent leur savoir et Bach lui fait notamment découvrir le pianoforte, l'opéra italien et la symphonie.

Musicien et compositeur précoce, à onze ans, Mozart avait déjà composé seize sonates pour violon et clavier, onze symphonies, et son premier opéra, Apollo et Hyacinthus (1767). De retour à Salzbourg après ses tournées, Mozart continue de composer. À treize ans, il fut nommé Konzertmeister par le prince-archevêque Schrattenbach.

Contenus

Mozart : Concerto pour clarinette et orchestre (Bernard Haitink / Patrick Messina), France Musique

Mozart : Requiem (Orchestre national de France / James Gaffigan), France Musique

Entre 1770 et 1773, Mozart voyage en Italie avec son père, ce qui lui permet d'approfondir sa connaissance de l'opéra. A cette époque, il compose des œuvres imprégnées de ses découvertes dont son premier opéra seria Mitridate (1770).

Après ce nouveau voyage, Mozart père et fils sont de retour à Salzbourg. Le prince-archevêque Schrattenbach est mort et Hieronymus von Colloredo lui a succédé. Le jeune Mozart a donc un nouvel employeur. Ce dernier, beaucoup plus stricte que son prédécesseur, impose des restrictions sur les compositions de Mozart, exigeant principalement des œuvres religieuses. Il lui impose également de limiter ses voyages. Malgré ces contraintes, Mozart continue de créer des chefs-d'œuvre et fait la connaissance de Joseph Haydn à Vienne, établissant une amitié et une correspondance durable.

En 1777, Mozart, lassé de Salzbourg, remet sa démission à Colloredo. Ce dernier au lieu de l’accepter le renvoie sous le motif d’absences trop nombreuses. Ce renvoie sera lourd de conséquences pour Mozart, mais il n’en prend pas directement la mesure. En quête d'un emploi, il visite Munich, Augsbourg, Mannheim et Paris, mais personne ne souhaite employer le compositeur déchu de ses fonctions. À Mannheim, il tomba amoureux de la cantatrice Aloysia Weber, suscitant la colère de son père. À Paris, il sollicita l'aide de Friedrich Melchior Grimm sans succès et subit la perte de sa mère en 1778. Cette dernière l’avait accompagné dans son voyage jusque là et était tombée malade pendant leur séjour à Paris. Ce périple, bien que difficile et peu fluctuant sur le plan professionnel, contribua à sa maturation artistique.

Sous l’insistance de son père, Mozart reprend le chemin de Salzbourg. Sur le chemin, il s’arrête à Munich où les déconvenues s'enchaînent et il découvre qu’Aloysia Weber en aime un autre. De retour à Salzbourg en 1779, Mozart retrouve son poste, non sans mal. Il aussi désormais employé en tant qu’organiste, formateur des enfants de chœur et compositeur de toute musique religieuse ou profane demandée par le prince. Durant cette période ses compositions sont plus rares et se condense en quelques œuvres maîtresses comme la Messe du Couronnement et la Symphonie concertante pour violon et alto.

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En 1781, il quitte définitivement Salzbourg pour Vienne et devient compositeur indépendant.  En 1782, Joseph II lui commande l'opéra Die Entführung aus dem Serail. La même année, il épouse la sœur d’Aloysia Weber, Constance Weber sans attendre le consentement de son père. Le mariage a lieu à Vienne le 4 août 1782.

En 1786, Mozart fait la connaissance du librettiste Lorenzo da Ponte, dont la place est bien sécurisée à la cour. Ce dernier demande à l'empereur d’autoriser la création d’un opéra sur Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, une œuvre qu’il avait fait interdire au vu de son caractère subversif. Da Ponte convainc l’empereur et Mozart met en musique le livret. La première se tient le 1er mai 1786 et est un succès. Pour autant, l’opéra ne restera pas longtemps à l’affiche à Vienne au vu des critiques de la noblesse.

En 1787, Joseph II est satisfait du travail de Mozart et le nommé musicien de la chambre impériale et royale, une belle reconnaissance pour le compositeur et un poste lui permettant de se créer une situation financière confortable. Mais son protecteur, Joseph II, meurt et Léopold II lui succède. Ce dernier n’apprécie pas Mozart. Il perd alors sa situation si difficilement construite. Les difficultés financières resurgissent et à cela s’ajoute la maladie.

En 1791, il compose la Flûte enchantée, qui sera son avant dernier opéra, mais le dernier rencontrant le succès. Mozart affaiblie et ruiné fait face à une surcharge de travail importante qui n’arrange pas sa situation. Il doit composer un opéra en 3 semaines pour le couronnement du roi Bohême Léopold II. Ce dernier sera finalement mal accueilli. Un requiem lui est aussi commandé, il s’agit de sa dernière œuvre qu’il n’achèvera jamais. Mozart meurt en 1791 à l’âge de 35 ans.

Compositeur ultra productif et inspiré, il laisse derrière lui un immense panel d'œuvres, près de 500 compositions.

Non più andrai - Marriage of Figaro - Mozart (Joshua Bloom), Garsington Opera

Catherine Trottmann - Voi che sapete, France musique

Emanuel Schikaneder, le commanditaire et interprète

Emanuel Schikaneder, de son vrai nom Johann Joseph Schikaneder, est né en 1751, à Straubing en Allemagne. Orphelin de père, il grandit dans un milieu très modeste et doit travailler pour subvenir aux besoins de sa famille dès son plus jeune âge. 

En 1773, il rejoint plusieurs troupes ambulantes en tant qu’acteur, interprétant des rôles célèbres comme Hamlet et Macbeth. Cette expérience lui permet de rencontrer l'actrice Eleonore Arth, qu’il épousera par la suite. Entre 1778 et 1784, il fonde et dirige sa propre troupe itinérante. Durant cette période, il écrit et monte des comédies et Singspiel. En 1780, son chemin le mène à Salzbourg, où il rencontre Mozart.

Gravissant les échelons, Schikaneder devient en 1785 directeur du prestigieux Kärntnertortheater à Vienne. En 1790, il prend la direction du Theater auf der Wieden. Sa popularité atteint son apogée en 1791, lorsqu’il écrit le livret de La Flûte enchantée. En plus de l’écriture, il se réserve le rôle de Papageno, mettant à profit ses talents de comédien et de chanteur. Le succès de La Flûte enchantée lui rapporte une fortune dont il s'approprie les bénéfices. Cette nouvelle richesse lui permettra par la suite d'ouvrir son propre théâtre.

Cependant, malgré ses succès initiaux, l'inauguration du Theater an der Wien en 1801, construit spécialement pour lui, marque le début de sa descente. Ce projet ambitieux le ruine et il ne reste à sa direction qu’à peine 4 ans. Durant cette période, il tente de collaborer avec Beethoven sur un opéra, mais sans succès. Après cette succession de déconvenues, il quitte Vienne et dirige le théâtre de Brünn entre 1807 et 1809.

Schikaneder meurt ruiné en 1812, après une fin de vie mouvementée. Malgré tout, il laisse derrière lui un héritage impressionnant avec près de 55 pièces de théâtre et 44 livrets d'opéra, marquant ainsi l'histoire du théâtre et de l'opéra de son empreinte.

L'histoire

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Résumé

L'opéra La Flûte enchantée de Mozart suit l’aventure du prince Tamino, chargé par la Reine de la Nuit de sauver sa fille Pamina, enlevée par Sarastro. Accompagné de Papageno, un oiseleur comique, Tamino entreprend un voyage initiatique semé d'épreuves. Pour mener cette quête à son terme, Papageno reçoit un carillon magique tandis que Tamino reçoit une flûte enchantée. À travers des épreuves de courage, de sagesse et d'amour, les personnages découvrent la vérité sur eux-mêmes et sur les autres.

Acte 1

Le Prince Tamino est attaqué par un serpent et appelle à l'aide avant de s'évanouir. Les Trois Dames de la Reine de la Nuit interviennent, tuent le serpent et disparaissent. Tamino se réveille, surpris de voir le serpent mort. L’oiseleur Papageno arrive et, menteur, prétend avoir tué le serpent. Les Trois Dames le punissent pour ce mensonge et donnent à Tamino un portrait de Pamina, la fille de la Reine de la Nuit, prisonnière du mage Sarastro. Tamino, tombant amoureux du portrait, promet de délivrer Pamina.

Acte 2

Armé d'une flûte magique et accompagné du bavard Papageno, Tamino part à la recherche de Pamina. Leur aventure devient une initiation spirituelle. Aux Trois portes de la Sagesse, de la Raison et de la Nature, Tamino apprend que Sarastro a enlevé Pamina pour la protéger des mauvaises influences de sa mère. La Reine de la Nuit, furieuse, surgit et ordonne à sa fille de tuer Sarastro. Pamina, désespérée par le silence imposé à Tamino, pense à se suicider. Papageno, quant à lui, rêve simplement de trouver une compagne, une Papagena. Il affronte des épreuves moins difficiles que celles de Tamino et Pamina. Malgré les pièges tendus par la Reine de la Nuit et ses complices, Pamina et Tamino surmontent les épreuves de l’eau et du feu grâce à la puissance de la musique. Papageno trouve enfin sa Papagena. Avec les forces du mal vaincues, Sarastro célèbre le bonheur du jeune couple en proclamant que "les rayons du soleil repoussent la nuit.”

Extraits

Contenus

SABINE DEVIEILHE - MOZART - LA FLUTE ENCHANTEE - Der hölle Rache, acte II, scène 2

Mozart : La flûte enchantée, acte II. duo Papageno-Papagena

Article, Pierre Michot, L’avant-scène n°196

Contenus

Les créateurs de La Flûte

Théâtre de faubourg un peu minable, chanteurs de second ordre et musiciens de bastringue ? Bien au contraire, il n’y a pas lieu de douter de la qualité de la troupe de Schikaneder. Mozart a accepté de diriger les deux premières représentations, faisant ainsi honneur au théâtre, mais témoignant surtout de l’estime qu’il manifestait pour le travail d’une équipe avec laquelle il avait collaboré étroitement et établi de réelles relations d’amitié.

Sauf exception, les premiers interprètes des opéras mozartiens étaient très jeunes. Sarastro fut créé par un chanteur de vingt-sept ans, Franz Xaver Gerl. Donna Anna (Teresa Saporiti) et Basile (Michael Kelly) avaient vingt-quatre ans ; Chérubin (Dorotea Sardi-Bussani), vingt-trois ; Blondine (Thérèse Teyber) et Constance (Caterina Cavalieri), vingt-deux ; Suzanne (Nancy Storace), Papagena (Barbara Gerl) et Don Juan (Luigi Bassi), vingt et un ans. Et le record : Pamina, dix-sept ans et Barberine, douze ans. C’était d’ailleurs la même chanteuse, Anna Gottlieb.

Emanuel Schikaneder – Papageno

Emanuel Schikaneder, librettiste de la Zauberflöte et créateur du rôle de Papageno, avait cinq ans de plus que Mozart. Il lui survivra vingt et un ans. Se rappelle-t-on qu’il fut acteur, autant et sans doute plus que chanteur ? Il joue Hamlet, entre autres au théâtre de la cour de Munich en 1777. Chef de troupe, il tourne dans toutes les villes du sud de l’Allemagne et d’Autriche. En 1789, il reprend à Vienne le Freihaus-Theater auf der Wieden. Avec la collaboration des chanteurs-compositeurs Schack et Gerl, avec celle de Mozart dans le meilleur des cas, il va constituer pour son théâtre un répertoire important d’opéras et de Singspiele, dont il est régulièrement l’auteur du texte, et parfois de quelques pages de musique.

De la troupe de Schikaneder, créatrice de La Flûte enchantée, on a pu dire qu’elle était de second ordre. C’est sans doute confondre la décantation du langage vocal, propre au Singspiel, et la qualité des chanteurs. Le rôle de Papageno, certes, se meut dans une tessiture facile, qui ne sollicite ni le grave ni l’aigu, renonce à toute broderie, met en avant la diction. Tout se passe comme si les limites mêmes du comédien avaient donné au personnage son visage musical, où la science de Mozart retrouve l’immédiateté du refrain populaire. Dans cette alliance du texte et du chant, la musique savante s’ancre dans une tradition, celle du Volkslied, et en ouvre une autre, celle du Kunstlied. Voyez Schubert. Sur un orchestre tout en finesse qui n’éprouve pas le volume vocal, les Lieder de Papageno exigent de la verve et du charme, rien de fabriqué, une simplicité enjouée qui appelle le sourire complice. Or, si les interventions en solo de l’Oiseleur sont des chansons plutôt que des airs, les ensembles auxquels il prend part requièrent la justesse, la précision du rythme, l’écoute d’autrui qui sont celles d’un vrai chanteur d’opéra.

Mais à l’opposé de cette modestie vocale, la Reine de la Nuit exige les plus hautes performances : non seulement les notes suraiguës et l’agilité vocalisante, mais aussi la hauteur du ton, la puissance de l’incarnation, la projection du discours, propres à soutenir deux grands airs ressortissant à la tradition de l’opera seria. Rappelons que la musique de Mozart, sans jamais renoncer à parler pour elle-même, a toujours eu le souci de servir ceux qui la servaient. « J’aime qu’un air soit tout aussi exactement à la mesure d’un chanteur qu’un habit bien fait », écrivait Wolfgang à son père. Jamais Mozart n’aurait écrit cette terrible partie de la Reine de la Nuit s’il n’avait pas été sûr de son interprète. S’il fait monter la voix jusqu’au contre-Fa, c’est qu’il savait que cette note était dans sa voix.

Josepha Hofer – La Reine de la Nuit

Josepha Hofer, née Weber (1758-1819), était la sœur aînée d’Aloysia et de Constance. La première mention que Mozart fait d’elle, dans sa correspondance, parle de ses talents de cuisinière ; la seconde dit que c’est une personne paresseuse, grossière, fausse et méchante (« eine faule, grobe, falsche Person, die es faustdick hinter den Ohren hat »). Ni l’une ni l’autre lettre ne parle de sa voix. Mais la seconde mention n’est pas sans intérêt. Mozart aurait-il exploité le sale caractère de sa belle-sœur autant que son registre aigu, pour dessiner le profil musical et théâtral de la Reine de la Nuit ? Rappelons-nous comment elle apparaît au second acte, toutes griffes dehors, révélant ses intentions assassines et sa soif de vengeance !

Deux ans auparavant, Mozart avait écrit pour Josepha l’air d’insertion Schon lacht der holde Frühling (K. 580), prévu pour une représentation allemande du Barbier de Séville de Paisiello. Cette page confirme que la sœur d’Aloysia, si elle ne fit pas la même carrière, devait posséder une voix aiguë et véloce. Mais on dit que Mozart eut beaucoup de peine à lui apprendre son rôle…

Benedikt Schack – Tamino

Le créateur de Tamino est un pilier de la troupe de Schikaneder. Benedikt Schack (1758-1826) est excellent chanteur (il deviendra Kammersänger à Munich), virtuose de la flûte, et compositeur. C’est un homme capable de multiples tâches, qui écrit lui-même des Singspiele et des opéras comiques. Les sources mentionnent deux douzaines de titres auxquels il a collaboré, quasi tous destinés au Theater auf der Wieden. Quand on écoute Der Steinder Weisen, La Pierre philosophale, on est frappé par la qualité de la musique qui lui est attribuée. Schack avait rejoint la troupe itinérante de Schikaneder en 1786 déjà, avant qu’elle ne se fixe à Vienne.

De passage à Salzbourg, il suscite un commentaire élogieux de la part de Leopold Mozart, dans une lettre à sa fille : « Il chante parfaitement, d’une voix magnifique, d’un gosier souple et aisé et avec une excellente méthode ». Tous les autres témoignages concordent sur sa personnalité très équilibrée. De quoi rendre parfaitement la sincérité et la force d’émotion du Prince Tamino a travers les étapes de son initiation. Mozart n’a pu qu’être inspiré par ces qualités humaines et musicales. Il a aussi mis l’instrumentiste à contribution : tout porte à croire que Schack jouait lui-même de la flûte quand Tamino charme les animaux et quand il travers l’eau et le feu.

Très lié d’amitié avec Mozart, Schack le voit souvent les derniers mois de sa vie. C’est lui qui racontera avoir été l’un de ceux qui, à son lit de mort, déchiffreront les parties du Requiem dans une scène ultime devenue légendaire. Et le K. 613, la dernière œuvre pour piano, ce sont les huit variations sur un thème de Schack, sur les paroles Ein Weib ist das herrlichste Ding, tiré de Der Dumme Gärtner.

Franz Xaver Gerl – Sarastro

Le premier interprète de Sarastro possédait des qualités analogues. Né en 1765, Franz Xaver Gerl était lui aussi chanteur et compositeur. C’est en tant que tel qu’il fut engagé par Schikaneder dans son Theater auf der Wieden. Il est l’un des auteurs de Der dumme Gärtner, que l’on vient de mentionner, premier spectacle que monte le nouveau directeur en 1789. L’année suivante, il compose avec Schack et Schikaneder, et sans doute Mozart, Der Stein der Weisen.

Dans le rôle de Sarastro, il put faire valoir non seulement sa grande voix de basse (il chantait aussi Osmin, Figaro et Don Giovanni), mais aussi le rayonnement de sa présence, son poids spirituel, imposant la tenue, la force intérieure qu’il faut pour donner au maître des initiés sa dignité et sa grandeur. Mozart avait d’ailleurs déjà rendu hommage à ces vertus dans l’air Per questa bella mano, K. 612.

Sa femme, Barbara Gerl, née Reisinger (1770 – 1806), créatrice de Papagena, devait s’y tailler un singulier succès comique, comme elle avait déjà dû le faire dans La Pierre philosophale en miaulant le délicieux duo Nun liebes Weibchen.

Théâtre de faubourg un peu minable, chanteurs de second ordre et musiciens de bastringue ? Bien au contraire. Les portraits qu’on vient de brosser vont dans le même sens : il n’y a pas lieu de douter de la qualité de la troupe de Schikaneder. Mozart ne s’est jamais plaint de ses interprètes. Il a accepté de diriger lui-même les deux premières représentations de la Flûte, faisant ainsi honneur au théâtre, mais témoignant surtout de l’estime qu’il manifestait pour le travail d’une équipe avec laquelle il avait collaboré étroitement et établi de réelles relations d’amitié.

L’orchestre du théâtre, fort de trente-cinq musiciens, était assez bon pour que Schikaneder, en plus des spectacles, pût organiser des concerts, où l’on donnait des symphonies, ce qu’on n’aurait pas pu faire avec des instrumentistes médiocres. A valeur de témoignage de la virtuosité de l’un d’eux, le premier contrebassiste, la très difficile partie solo que Mozart lui confie dans l’air K. 612 qu’on vient de signaler.

La vision erronée qu’on a pu avoir de la troupe tient à son côté familial, qui la fait aisément associer à des saltimbanques. C’est que des familles entières sont réunies dans la distribution de la Flûte. On avait Emanuel Schikaneder en Papageno, sa femme dans le chœur, son frère Urban en Premier Prêtre et ses deux enfants déguisés en animaux : Anna, fille d’Urban, en Premier garçon ; Josepha Hofer, la Reine de la Nuit, et son mari Franz violoniste dans l’orchestre ; Gerl en Sarastro et sa femme en Papagena, Schack en Tamino et sa femme en Troisième Dame.

Anna Gottlieb – Pamina

Et puis il y avait Anna Gottlieb en Pamina.

Nannette Gottlieb, il fallait la garder pour la fin. C’est à elle qu’échut l’honneur d’être la première Pamina, c’est elle qui pour la première fois parcourut ce chemin de lumière qui va de l’enfance à la maturité, de l’influence mauvaise des puissances nocturnes à la reconnaissance éclairée du bien, à travers des épreuves qui ne sont pas seulement la traversée de l’eau et du feu, mais aussi l’apprentissage de la violence du désir de Monostatos, la révélation de l’amour, la connaissance de l’isolement, la tentation du suicide. Anna Gottlieb eut à représenter et à vivre tout cela par son chant. Et elle n’avait que dix-sept ans.

Fille de deux acteurs du Nationaltheater, elle connaissait Mozart depuis 1785, Mozart qui salua ses dons de musicienne dès qu’ils furent éclos, Mozart qui fut son maître de chant, et qui lui confia, quand elle avait douze ans, le rôle de Barberine dans la première des Noces de Figaro.

Si les rapprochements d’un personnage à l’autre que les créateurs des rôles mozartiens nous amènent à faire ont un sens, il n’en est sans doute pas de plus impressionnant : l’initiation de Pamina commençait là, dans la page énigmatique qui ouvre le quatrième acte des Noces, ce moment suspendu, où, sous les ombres du parc, la petite Barbarina cherche l’épingle qu’elle a perdue.

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Certaines ressources sont déjà disponibles sur notre site internet. Vous pouvez les retrouver sur la page du spectacle La Flûte enchantée.

D'autres ressources peuvent vous être communiquées si vous le souhaitez, comme la partition piano-chant de l'opéra.

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