Le 8 octobre 2019

Catégories
Concert

Stéphanie d'Oustrac

Auteurs
Stéphanie d'Oustrac
Ensemble Amarillis
Éclats de folie
Visuel de présentation
Chapeau
Après avoir incarné les plus grandes héroïnes de l’opéra et de la littérature comme Médée, Didon, Cassandre ou Carmen, Stéphanie d’Oustrac se métamorphose une fois encore.

Elle devient la folie, figure emblématique de l’époque baroque. Elle prend l’aspect dans ce concert d’un personnage aux mille facettes, excessif autant qu’extravagant, traversé par la diversité des passions humaines.
Présentation

Basé à Angers, l’ensemble Amarillis que dirige la hautboïste Héloïse Gaillard a conçu un voyage musical insensé à travers le répertoire, d’André Campra à Marin Marais, de Purcell à Haendel.

Tour à tour charmeuse, triomphante, désespérée ou passionnée, la folie ne pouvait rêver d’une meilleure interprète pour l’incarner.

Stéphanie d'Oustrac, grande tragédienne et artiste habitée par les rôles qu’elle porte, est aujourd’hui considérée comme l’une des chanteuses françaises les plus talentueuses de sa génération.

Elle parcourt le monde de production en production, du festival d’Aix-en-Provence à celui de Glyndebourne, du Metropolitan Opera de New York à celui de Paris. Mais elle reste profondément attachée à sa ville de Rennes où elle habite et enseigne le chant.

La retrouver sur scène dans notre (son) théâtre, accompagnée par les 10 musiciens de l’ensemble Amarillis, est un privilège.

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Distribution
Distribution

Stéphanie d’Oustrac : Mezzo-soprano

Héloïse Gaillard : Direction musicale

Ensemble Amarillis

Héloïse Gaillard et Xavier Miquel : Flûtes à bec et Hautbois baroque

Alice Piérot et Liv Heym : Violons

Joseph Cottet : Violon et alto  

Laurent Muller : Alto

Gauthier Broutin : Violoncelle

Ludovic Coutineau : Violone

Violaine Cochard : Chef de chant et clavecin

Laurent Lechenadec : Basson

Romain Falik : Théorbe

Contenus
Titre
PROGRAMME
Contenus

Œuvres de Johann David Heinichen, André Campra, Marin Marais, André Cardinal Destouches, Jean-Fery Rebel, Matthew Locke, Henry Purcell, Georg Friedrich Haendel et Reinhard Keiser

Focus

Note d’intention, par Héloïse Gaillard

J’ai voulu, dans ce programme, faire entendre la Folie dans tous ses états et tous ses éclats pour mieux en explorer les différents visages et mettre en évidence, sous l’égide de compositeurs baroques aux inspirations très diverses, les caractères qui lui sont associés.

Ce voyage insensé débute par la mise en scène de la Folie séductrice. Son entrée, charmeuse et triomphante, se fait par un air extrait de l’opéra-ballet Les Fêtes vénitiennes composé par André Campra en 1710 sur un livret d’Antoine Danchet. Sur un air gai et vif, elle nous invite à la suivre afin de goûter aux charmes de la vie puisqu’elle les dispense tous et en chasse la raison cruelle.

Cette atmosphère joyeuse se prolonge par la virtuosité instrumentale grâce à un concerto pour 7 instruments de Johann David Heinichen. Ce compositeur, qui se révélait ainsi européen avant l’heure, aimait à dire que la musique devait être composée dans un style mêlant les caractéristiques allemandes, françaises et italiennes. Son Concerto en sol mineur réalise cette alchimie où les vents et les cordes dialoguent avec harmonie et bonheur.

Heureuse, la Folie s’abandonne aux plaisirs amoureux dans un air célébrant le sentiment amoureux, extrait de la tragédie Sémélé mise en musique par Marin Marais en 1709, gambiste attitré, compositeur et favori de Louis XIV. À cet air répondent des extraits de la cantate à voix seule avec symphonie dédiée elle aussi à la figure de Sémélé, qu‘a composée André Cardinal Destouches en 1719. Dans cette cantate, Sémélé, fille de Cadmus, roi de Thèbes, est séduite par Jupiter dont elle attendra 6 bientôt un fils. Or Junon, la déesse épouse de Jupiter, dans sa jalousie incite Sémélé à demander comme preuve de l’identité du dieu qu’il se montre à elle dans sa gloire, celle-là même avec laquelle il apparaît à son épouse. Cette vision est bien sûr insoutenable pour les humains, et Sémélé meurt foudroyée. Quant à l’enfant à naître, il est miraculeusement recueilli et cousu dans la cuisse de Jupiter, jusqu’à sa naissance sous le nom de Bacchus. Cette association de Sémélé avec le thème de la Folie passe ainsi par deux transgressions, celle de Jupiter qui convoite une mortelle, et celle de la jeune fille qui enfreint les limites du savoir humain et y perd tragiquement la raison et la vie.

J’ai alors choisi de faire entendre la chaconne intitulée Le Feu composée par Jean-Féry Rebel dans son ballet les Éléments créé en 1737. Elle nous ramène avec force à l’embrasement de Sémélé lorsque Jupiter se révèle à elle dans sa gloire et sa puissance divines.

Désemparée et désespérée, puis tour à tour inconstante et passionnée, ainsi apparaît notre dame Folie dans ces Mad Songs ou chansons de folie, peintures de femmes sombrant dans la folie à la suite d’une peine d’amour. Henry Purcell, dans Mad Bess, une pièce connue aussi sous le titre de Bess of Bedlam par référence à l’asile d’aliénés de Londres, choisit de faire appel à un divertissement de cour intitulé Gray’s Inne Masque, qu’il associe à une ballade populaire en vogue à l’époque, intitulée Tom of Bedlam. Bess est désemparée, elle s’imagine sur une île enchanteresse, son désespoir lui procure des hallucinations émerveillées entrecoupées de réminiscences qui lui font espérer la mort au sein d’une nature féérique. « Le monde est si fou que Bess ne peut espérer aucun remède à sa peine », écrit le poète anonyme.

Le deuxième air de folie composé par Purcell est une sorte de testament musical puisqu’il le compose quelques jours avant de mourir. Cet air est plus développé que le précédent dans l’utilisation des contrastes de mouvements, de styles et de couleurs. Purcell y dépeint la nature humaine avec une large palette d’émotions très subtiles.

Puis les tourments amoureux peuvent aussi devenir source d’espérance. Georg Friedrich Haendel nous le montre avec son immense talent dramatique dans une de ses cantates qu’il a composée lors de son voyage en Italie entre 1706 et 1710, Ah! crudel, nel pianto mio. Haendel y traduit tout en nuances et en contrastes le foisonnement des sentiments exprimés dans cette plainte amoureuse. Composée avec un instrumentarium varié constitué de bois et de cordes, elle commence par une sinfonia d’ouverture en forme de concerto en deux mouvements pour deux hautbois, cordes et basse continue. Puis se succèdent trois arias entrecoupées de récits tous très contrastés dans leur accompagnement. Au chagrin exprimé par l’aimée délaissée succèdra l’espoir d’un dénouement enfin heureux.

Il m’a plu alors de faire entendre la sinfonie d’ouverture d’un opéra-comique composé par Reinhard Keiser, dont le sujet est tiré d’une comédie de Thomas Corneille, Le Geôlier de soi-même, écrite en 1655, et jouée au XVIIIe siècle sous le nom de Jodelet prince. C’est là une pièce originale à plus d’un titre. Keiser a indiqué « Burla » en tête de cette sinfonia, ce qui, en espagnol, renvoie aussi bien à la moquerie qu’à la tromperie. L’écriture de cette ouverture est en effet aussi facétieuse que très contrastée.

Elle est composée de cinq sections très caractérisées mélodiquement et rythmiquement. Ainsi la deuxième section fait entendre le thème des folies d’Espagne, en un clin d’œil espiègle à notre personnage.

Mais bientôt l’accablement gagne notre Folie qui doit faire face à l’ingratitude des hommes. Elle souhaite « livrer à la triste raison tous les mortels », de sorte que « privés de son secours, ils sentent l’excès de leur misère », nous dit-elle dans un des airs de l’opéra ballet Le Carnaval et la Folie mis en musique par André Cardinal Destouches.

Dame Folie est décidément de nature contradictoire. Laissons-lui donc la conclusion de cette histoire. Elle sera chantée, toujours chez Destouches, sur un air en forme de gavotte qu’on peut entendre comme un écho de la morale qui concluait la fable de La Fontaine : Sans l’Amour et la folie, il n’est point de moments heureux…